Peux-tu nous expliquer tes débuts à la Boscoop ?
J’y suis depuis la première réunion! Mais je suis une des seules qui habite finalement pas trop loin du magasin. Faut savoir qu’au départ, on visait Berchem et Simonis et qu’on a mis longtemps à trouver un chouette lieu dans nos moyens. On s’était aussi engagé à ne pas s’installer près des commerces déjà actifs dans l’alimentation durable, comme près de la place du miroir à Jette, pour ne pas se faire concurrence.
La BOS coop ça représente quoi pour toi ?
Une chouette aventure humaine ! J’ai vraiment rencontré beaucoup de gens depuis le début mais ce n’est pas le seul moteur. Etant en reconversion professionnelle ces dernières années, l’aspect économique de ce type de modèle, sans déroger à mes valeurs est aussi très important. Même s’il faut reconnaître que niveau prix, on n’y est pas encore, mais ça viendra !
Quel est ton rôle dans BOS coop ?
Globalement mon rôle principal ce sont les petites illus de fruits et légumes, qui sautillent un peu partout ! Sinon j’ai eu différents rôles au cours du projet selon le temps et l’énergie que j’avais de disponible. J’ai été dans le CA un an, dans le groupe porteur 2 ans aussi, dont je reste proche en cas de besoin. Je suis co-coordinatrice avec Adeline du groupe de travail com’ pour l’instant. Ça s’est mis comme ça mais en fait je trouve ça chouette de faire la coordination à deux. Mais comme j’ai pas mal de travail pour l’instant j’aimerais pouvoir me concentrer sur les illustrations, les mises en page et les coups de mains au GP par-ci par-là…
Les groupes de travail, c’est comment, niveau temps, organisation?
Au début, j’étais à fond, ça me prenait bien parfois la moitié du weekend ou une soirée par semaine. Puis quand j’ai eu moins de disponibilités, j’ai dû diminuer et je suis passée à environ 3h je dirais, par-ci par-là, une fois par semaine ou pour deux semaines. Ça dépend des missions et des réunions. Parfois moins, parfois plus. En même temps, je compte ça comme mes shifts parce que je ne pourrais pas faire plus en ce moment. Mais d’autres font beaucoup moins que moi d’autres beaucoup plus !
Globalement, l’ambiance est chouette mais c’est parfois frustrant parce qu’on a parfois plein d’idées et d’envies et on est pas assez nombreux pour tout mettre en oeuvre. On a perdu une partie de nos premiers membres de Berchem où on a fait les premières ventes. Puis j’imagine que de l’extérieur, ça a l’air chronophage et que ça peut faire peur… Mais en fait, c’est le serpent qui se mord la queue : moins on est, plus il y a du travail pour chacun et inversement plus on est, moins c’est lourd individuellement… Au final on ne fait que ce qu’on a le temps de faire et on peut déjà en être fier. Au lancement de BEES coop*, à laquelle j’ai aussi participé il y a quelques années, ça a aussi mis un bon moment mais maintenant ils sont 1500 ménages actifs, ça tourne et leur chiffre d’affaire permet de payer une petite dizaine de temps partiels et les prix sont vraiment intéressants… Avec Bos coop, on est 100 mais j’espère qu’un jour aussi nous seront plusieurs centaines dans le quartier et alentours ! Ça serait vraiment bien qu’on soit plus nombreux à être actifs.
Justement parlons de Bos coop dans le futur… comment vois-tu BOS coop dans 5 ans ?
On verra … J’espère qu’on pourra garder nos deux super employés Laura et Steven. J’espère aussi que Bos coop tiendra suffisamment longtemps pour un jour déménager dans un local plus grand, ce qui permettrait d’avoir plus de choix, des prix plus bas, plus de chiffre d’affaire. On aurait une Bos coop avec des centaines de coopérateurs actifs, un magasin où on rencontre ses voisins, très convivial. La BOS coop participerait aussi à un tissus de partenaires comme les assocs, écoles, bureaux dans un quartier dynamique aux citoyens motivés et impliqués. Mais j’imagine bien qu’un modèle participatif ne puisse pas convenir à tous, pour diverses raisons. Donc je souhaiterais que BOS coop puisse accueillir des clients qui ne soient pas membres ; je serais pour un modèle ouvert avec deux prix, un plus bas pour les shifteurs et un peu plus élevé pour les non-membres. A chacun de choisir ce qui lui correspond, selon les périodes, selon son emploi du temps et ses finances. Ce choix d’un modèle ouvert ou fermé, seul l’avenir nous le dira… personnellement j’ai ma préférence mais je resterai quelle que soit la direction prise.
Tu dis que BOS coop correspond a tes valeurs ?
Cultiver en détruisant les sols ou nourrir en intoxiquant… c’est le monde à l’envers ! On parle d’un besoin primaire de l’ensemble de la société, c’est la base… L’alimentation durable accessible à tous, ça n’est pas une option mais une nécessité, cela devrait être une priorité politique absolue. Il faut soutenir les métiers qui triment dans les filières alimentaires à sortir de cette façon de faire et à pouvoir vivre de leur métier en y réinsufflant du sens : gagner sa vie en prenant soin du sol et/ou des mangeurs. On a souvent l’impression que cultiver ou manger bio, dans le sens « sans intrants chimiques », c’est une lubie de bobo mais n’est en réalité « bobo » que le prix, souvent dépendant d’un système sur lequel aucun des acteurs n’a de prise… Que les sols et nos corps soient des écosystèmes vivants c’est scientifique… et en tenir compte est la seule façon de développer simplement, sans intrants ou excès de technologies énergivores, une agriculture qui nourrisse encore les générations futures. Mais en attendant, le prix reste un problème pour la majeure partie de la population. On est dans l’impasse ! Manger sain et sans intrant, c’est trop cher. Mais on ne peut pas faire pression sur les producteurs qui triment déjà. Les supermarchés et la concentration qui permettent des prix réduits peuvent aider temporairement mais ne sont pas « la » solution puisqu’ils contribuent par ailleurs au problème… Qu’est-ce qu’on fait ? Il faut selon moi, oser rêver, imaginer et essayer des alternatives… et en ça les coopératives et magasins participatifs sont une des propositions intéressantes, à ce stade-ci de la transition du moins… puisqu’on vient agir sur d’autres paramètres. : on diminue les coûts en faisant participer les membres… même si tout ça prend plus de temps.
C’est quelque chose que j’apprécie… J’ai participé aux débuts de Bees coop* comme je l’ai dit, au début les bénévoles dans les différents groupes n’y connaissent pas forcément grand-chose. Y’a un apprentissage collectif, sur le terrain. C’est en discutant lors des shifts, dans les groupes de travail ou dans les AG qu’on comprend la complexité des enjeux du système alimentaire. Je suis un peu fatiguée de la sensibilisation qui est souvent ressentie comme moralisatrice et peu mise en action. Apprendre en faisant, ça permet de se forger un avis modéré en réalisant que tout n’est pas noir ou blanc, que tous les avis existent, que chacun fait comme il peut et que tout est vraiment complexe, qu’il n’y a pas un choix mais des choix qui évoluent petit à petit selon la situation, l’instant, le groupe et ses avis… tout en créant du collectif.
Faut juste espérer que tout cela tienne dans nos vies pressées, compressées, surchargées…
*Bees coop est le premier supermarché coopératif de Bruxelles, à Schaerbeek: Bees-coop.be
A bientôt pour une prochaine interview!